Une basilique consacrée au Sacré-Cœur

En 1919, à sa consécration, l’église du Vœu National élevée à Montmartre reçoit le titre de basilique. Cela signifie qu’elle n’est pas une paroisse mais un sanctuaire, un lieu de pèlerinage. La basilique est dédiée au Cœur du Christ, en signe de confiance et de foi en l’amour de Dieu pour les hommes.

Ici, le Cœur du Christ est loué et vénéré, particulièrement dans la prière d’adoration eucharistique.
Dans une société de plus en plus sécularisée, ce recentrement sur le mystère du Sacré-Cœur est significatif d’un désir de revenir à l’essentiel, de placer Dieu au centre de tout : au centre de la ville, au centre de nos vies, au centre de notre cœur.

«  Au centre : Dieu  »
Par le Père Jean LAVERTON, Recteur

Il y a quelques mois, dans une lettre à tous les évêques de l’Eglise, le Pape Benoît XVI écrivait : « A notre époque où dans de vastes régions de la terre la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s’alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï ; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour poussé jusqu’au bout (Jean 13,1) – en Jésus-Christ crucifié et ressuscité. En ce moment de notre histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes et que tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’en manifestent toujours plus en son sein. »

Vivre de Dieu, en présence de Dieu, afin que dans les limites de nos pauvres vies Dieu soit présent au milieu du monde, afin que par la foi Dieu entre dans le monde :

«  Consacre-les par la vérité : ta Parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité. » (Jean 17, 17-19).



A la suite de son Seigneur, vivre et se donner dans la vérité et la charité. Comment, à travers nos vies, apparaît ce qui en est le trésor ? Non le témoignage de chrétiens parfois fatigués qui portent leur foi comme un poids, mais celui de nouveaux-nés, à l’exemple des catéchumènes, qui portent une vie nouvelle, source de bonheur.
C’est l’acte de foi qui fait éclater nos limites et nous ouvre à la présence et à la vie de Dieu, c’est le lien au Christ qui nous donne de pouvoir dire avec lui et en lui : « Je viens, ô Père, pour faire ta volonté » (Psaume 40). L’Eglise doit par la foi sans cesse ouvrir dans le monde le chemin de la rencontre de Dieu, vivant sans cesse elle-même de cette rencontre et s’y convertissant : l’évangélisation sera profondément à la mesure de la sanctification de l’Eglise, car, poursuit le Seigneur : « 

Je ne prie pas seulement pour eux, je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi » (Jean 17, 20).

Le nom "Sacré-Cœur" a ses racines dans la Bible, où le mot de Cœur désigne non seulement le lieu de l’affectivité de la personne, mais aussi le siège de ses pensées et de sa volonté. Le Cœur désigne donc la Personne de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme ! Toute la vie d’homme de Jésus-Christ, Fils de Dieu, manifeste l’amour de Dieu pour les hommes et, sur la Croix, le Cœur transpercé par la lance exprime l’infini de cet Amour.

De grands théologiens et philosophes comme Saint Albert le Grand, Saint Thomas d’Aquin ont approfondi cette dimension de la foi chrétienne, puis les Saints mystiques Rhénans au Moyen Age.
Saint Ignace de Loyola y voit une manière de communier à la Passion et à la Résurrection de Jésus-Christ de façon toute particulière. La tradition lui attribue la composition de cette hymne, d’origine sûrement plus ancienne, où le mot « Cœur », évoqué par les blessures, est remplacé par le mot « âme ». A la Basilique, cette hymne d’adoration est chanté lors la déposition du Saint-Sacrement pendant le Temps ordinaire :

« Âme du Christ, sanctifie-moi,
Corps du Christ, sauve-moi,
Sang du Christ, enivre-moi,
Eau du côté du Christ, lave-moi,
Passion du Christ, fortifie-moi,
Ô bon Jésus, exauce-moi,
Dans tes blessures, cache-moi,
Ne permets pas que je sois séparé de toi !
De l’ennemi, défends-moi,
A ma mort, appelle-moi,
Ordonne-moi de venir à toi
Pour qu’avec les Saints, je te loue
Dans les siècles des siècles, ainsi soit-il ! »

A partir du 17è siècle, avec Sainte Marguerite-Marie et l’Ecole Française, les spirituels modernes facilitent la diffusion de la dévotion au Cœur du Christ, dans un esprit de réparation des offenses faites par les hommes à l’amour de Dieu manifesté dans le Sacré-Cœur.
Cette note demeure dans l’une des dimensions de la prière d’adoration eucharistique, qui est associée à la dévotion au Sacré-Cœur. Il s’agit de répondre à l’invitation de de Jésus, au soir du Jeudi Saint, lors de son agonie à Gethsémani, de « rester et veiller une heure avec lui », au moment où Il prend sur lui le poids du péché du monde, pour l’offrir dans l’amour au Père, jusqu’à la Croix et la Résurrection.
« Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi. » (Matthieu 26, 38.
Dès 1885, le Saint-Sacrement exposé à l’adoration des pèlerins marque de façon caractéristique la vie de prière de la Basilique, avant même l’achèvement de sa construction matérielle. Le Cœur du Christ transpercé est le dévoilement de l’Amour de Dieu manifesté pour nous dans la célébration de l’Eucharistie et l’adoration du Saint-Sacrement jour et nuit.
Aujourd’hui, la vie de prière de la Basilique est toujours entièrement organisée pour célébrer la présence de Jésus-Christ et l’amour de Dieu :

« Celui qui a soif, qu’il vienne à Moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » (Jean 7, 38)

Par cette prière d’adoration eucharistique continue, la Basilique a reçu une mission d’intercession et de supplication continuelle pour les hommes du monde entier.
Dans la prière d’adoration, il ne s’agit pas, comme le Pharisien hypocrite de l’Evangile, de rendre grâce pour sa propre justice, et de prier seulement pour « les autres », qui sont pécheurs… (Cf. Luc 18, 9-14). Mais devant l’amour infini de Dieu, donné pour nous en Jésus, exposé sous nos regards dans le Saint-Sacrement, il s’agit de nous reconnaître pauvres et pécheurs, de reconnaître que sans Lui nous ne pouvons rien (cf. Jean 15, 5), de nous laisser sauver par Lui, de nous laisser guérir, de nous laisser convertir... Il s’agit de nous offrir nous-mêmes à Dieu le Père dans l’offrande unique et parfaite de Jésus Son Fils, sous la mouvance de l’Esprit-Saint, pour accomplir pleinement Sa volonté. Ainsi, notre prière sera vraie : elle nous transformera, et dans la Communion des saints, elle rejaillira en grâces de salut pour beaucoup d’hommes de notre temps qui ne connaissent pas Dieu, qui se sont éloignés de lui, ou qui refusent Son amour.

La prière pour la paix : une dimension essentielle de la vocation de la Basilique

Conçue comme un signe d’espérance et de relèvement à la suite d’une défaite militaire (1870), la Basilique a traversé dans sa construction et son histoire la tourmente de deux guerres mondiales.
Parmi les intentions de prière attachées à la vocation d’adoration perpétuelle de ce sanctuaire (prière pour l’Eglise, pour la France et pour le monde), la prière pour la paix tient une place essentielle. Une paix jaillie du Cœur du Seigneur, par la Croix et la Résurrection :

« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jean 14, 27)

«  Prier pour la paix…  »
Par le Père Jean LAVERTON, Recteur

Nous vivons dans une société hyper médiatique, où tout va vite, où le « zapping » est roi… Une société préoccupée davantage par ce qui fait du bruit, par ce qui fait scandale, par ce qui divise et déchire les hommes et les peuples. Or, ce n’est pas ainsi que Dieu vient nous sauver.

Le Seigneur nous invite à venir régulièrement dans le silence pour retrouver l’essentiel de nos vies et faire l’expérience de Sa présence. Lui donner du temps pour que par l’œuvre de l’Esprit Saint Il forme et fasse grandir notre humanité à la mesure du Christ. La prière authentique change le cœur de l’homme : « C’est curieux comment mes idées changent quand je les prie », disait le Curé Doyen du « Journal d’un Curé de campagne » de Georges Bernanos.

S’Il nous invite à demander la paix, c’est que cette démarche humble transforme mystérieusement les personnes qui prient et les met sur le chemin de la réconciliation et de la fraternité.

Dans notre monde troublé, inquiet, violent, demandons au Seigneur de convertir en nous tous les germes de violence. Ne nous lassons pas de prier ensemble pour savoir accueillir le don de la paix et pour devenir davantage artisans de paix : paix en nous-mêmes, en nos cœurs, paix dans nos familles et nos communautés, paix dans notre pays, paix dans le monde.

Dans l’Hostie Sainte exposée à nos regards, contemplons « le Prince de la paix » (Isaïe 9), poursuivons notre prière pour ce don de la paix que Lui seul peut nous apporter.

« Tant que nous serons des agneaux, nous vaincrons et, même si nous sommes entourés par de nombreux loups, nous réussirons à les vaincre. Mais si nous devenons des loups, nous serons vaincus, car nous serons privés de l’aide du Pasteur. » (Homélie de Saint Jean Chrysostome, citée par le Pape Benoît XVI).



Portant en nous toutes ces intentions, nous nous retrouvons chaque année à 22h au soir du 31 décembre pour la célébration de la Messe pour la Paix, afin de rendre grâce pour l’année écoulée et de confier au Seigneur la nouvelle année civile qui commence, implorant pour le monde entier la grâce de la paix.