Des Sanctuaires de la Miséricorde

28 janvier 2013
Marc 3, 22-30
Mémoire de Saint Thomas d’Aquin
Extraits de l’homélie du Père Jean LAVERTON à l’occasion du Congrès des Recteurs des Sanctuaires de France à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
… Dès que l’on prend Dieu au sérieux, on entre dans le combat.
Souvenons-nous : lors de son Baptême, l’Esprit Saint descend sur Jésus et une voix se fait entendre, qui le désigne comme le Fils bien-aimé du Père. Aussitôt, l’Esprit Saint va pousser Jésus au désert, où rencontrant le Tentateur, il va connaître les trois tentations fondamentales… Jésus, qui vient d’être désigné comme le Fils, entre ainsi aussitôt dans le combat. Jésus est tenté sur la vocation reçue.
Dès que l’on prend Dieu au sérieux, on entre dans le combat.
Dans l’Evangile d’aujourd’hui, on l’accuse d’agir par Béelzéboul, le Prince des démons. Ainsi, on disqualifie le prédicateur, ici le Christ lui-même, pour ne pas avoir à se convertir. Accusation, travail de disqualification, pour ne pas avoir à prendre au sérieux, à entendre le cœur du message qui risquerait de toucher notre cœur, d’y ouvrir un vrai et profond chemin…
Le Christ va livrer ce combat tout au long de sa vie, jusqu’à affronter la mort : il est l’amour qui se donne inlassablement.
De même, l’on dira que l’on ne peut entendre une telle Eglise, dépassée, à côté de la vie des hommes… Profond travail de disqualification, d’endurcissement du cœur, qui devient l’air du temps, la pensée commune…
Dès que l’on prend Dieu au sérieux, on entre dans le combat. Mais le beau combat, le bon combat.
Le signe comme par la négative que l’on prend Dieu au sérieux, c’est que cela résiste. Car nous sommes appelés à plus, à ouvrir notre être : le Christ est toujours plus grand, non à notre taille, … S’il s’est fait l’un de nous, c’est pour fonder et enraciner notre cœur dans le sien. Notre vie est réponse à son amour, à son appel, notre vie est ouverture, chemin, marche à sa suite. Le choix de Dieu appelle notre réponse d’homme. Il nous ouvre à notre vocation plénière de fils de Dieu, Il veut mener tous les hommes vers le Père, son Père.
Qui que nous soyons dans l’Eglise, nous sommes d’abord et nous restons toujours des disciples, des mathetes, de l’unique Maître : le Christ. « Je suis le chemin, la vérité et la vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. ». (Jn 14,6) « Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. » (Mt 11, 29) « Ayez entre vous les sentiments qui sont dans le Christ Jésus. » (Ph 2, 5). L’aspiration à la vie et au bonheur qui habite notre cœur trouve dans la Christ la réponse et le sens de tout…
Ce désir de communion profonde avec le Christ, notre mise en route pour le suivre, nous font du même coup mesurer ce qui résiste en nous, ce qui nous retient. C’est une invitation à examiner notre cœur pour regarder où nous mettons nos propres sécurités, pour voir nos encombrements et nos craintes, nos attaches et nos recherches de nous-même et pour avancer par nos décisions intérieures vers plus de détachement, de liberté et donc de paix…
Ce bon combat, nous ne pouvons le mener seuls. C’est avec lui, le Christ : avec la Parole que lui-même citera pour répondre au démon lors des tentations, avec les Sacrements et en particulier l’Eucharistie qui nous unit à son amour qui se livre jusqu’au bout, c’est avec toute l’Eglise, avec ce peuple immense d’humbles fidèles et de grands témoins que nous marchons.
Nos sanctuaires doivent être ces lieux où l’on vient prendre des forces auprès du Christ : lieux de la présence du Christ par la prière et la charité. Lieux d’accueil pour tous : « personne n’est de trop dans l’Eglise », aime à dire Benoît XVI. Lieux où nous sommes engagés pour vivre, prêtres et responsables, avec les fidèles et les pèlerins, avec eux et pour eux, au milieu des épreuves et des consolations de chacun, ce bon combat.
Aujourd’hui où pour beaucoup les liens avec l’Eglise se distendent, les sanctuaires doivent être au milieu des hommes ces grands signes d’amour et de paix, de foi et d’espérance : des sanctuaires de la Miséricorde…
Et en ce bon combat, le Christ nous donne deux choses :
D’abord l’assurance du salut : il n’y a pas à se dire où allons-nous ? Remporterons-nous ce combat ?... Car le salut est accompli, le péché et la mort sont vaincus. C’est là notre foi et notre espérance, une espérance qui traverse toutes les impuissances apparentes et que nous devons porter à tous.
Mais c’est aussi une exigence : exigence de nous ouvrir au Christ. Et c’est tout le sens de ce combat, pour toute l’Eglise et pour nous-mêmes. Ne pas réduire à nos dimensions, à nos capacités, à nos projets, à nos réalisations,…
Tentation toujours renaissante de reprendre et de garder les commandes. Mais appel pour nous qui sommes ses disciples et pour toute son Eglise à nous ouvrir toujours davantage au Christ. Beau travail pour que nos pratiques soient toujours plus conformes à ce que nous croyons et proclamons, pour être vraiment son peuple vivant de sa vie au milieu du monde, pour aller vers tout homme et témoigner de son amour pour chacun.
« Je vous exhorte à fuir les tendances égoïstes de la chair qui mènent leur combat contre l’âme. Ayez au milieu des païens une conduite excellente ; ainsi, à l’heure même qu’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteur, ils auront devant les yeux vos actions excellentes, et ils rendront gloire à Dieu… » (1P 2, 11-12)
Dès que nous laissons le Christ habiter notre vie, nous devenons des missionnaires…
En ce jour où nous faisons mémoire de Saint Thomas d’Aquin, je voudrais conclure par quelques lignes extraites d’une de ses prières, où il nous dit comment le Christ est son rocher en son chemin et en son combat ; combien en ce point d’appui qui ne passe pas, profondément enraciné et assuré en son Seigneur, il approfondit sa liberté par rapport à toutes choses : « Accorde-moi, Dieu de Miséricordede désirer ardemment ce qui te plaît…Que ma joie dépende de ce qui mène à ToiEt ma tristesse de ce qui s’écarte de Toi…Donne-moi Seigneur mon Dieu, de demeurer ferme au milieu des succès et des revers,afin que les premiers ne m’exaltent point,et que les seconds ne me dépriment point…Seigneur mon Dieu, donne-moiune persévérance inébranlableet une espérance qui T’embrasse un jour. »